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4ème mot doux d’Hermine – La plus belle femme d’Europe

4ème MOT DOUX D’HERMINE :

 

LA PLUS BELLE FEMME D’EUROPE

 

Chers lecteurs, je vous entends réagir en découvrant ce titre. Vous vous dîtes déjà : « Allons bon, c’est sûr que cette hermine chauvine va nous raconter que les plus belles femmes d’Europe sont des Polonaises. »

Eh bien, mon récit est un peu différent. Certes, loin de moi la volonté de sous-estimer le charme des Polonaises. Il suffit de se promener dans les rues de n’importe quelle ville de Pologne pour être captivé par le grand nombre de femmes attirant le regard. Je me suis d’ailleurs, voyant cela, souvent étonnée qu’il n’y ait aucune Polonaise dont le nom et l’image brilleraient au firmament des stars du cinéma mondial par exemple… Ceci est une autre affaire.

Mon propos aujourd’hui est de vous parler d’une femme exceptionnelle dont je viens de découvrir l’incroyable vie, grâce à un ouvrage très documenté, écrit par un historien polonais passionnant, Jerzy LOJEK.

Ce livre s’appelle : « Dzieje pieknej Bitynki », c’est-à-dire « les aventures de la belle Bitynienne ». La Bitynie est une province à proximité d’Istanbul et c’est de là que provenait notre héroïne. Elle avait au cours de sa vie, été désignée par d’autres appellations, notamment « La belle Grecque », avant de s’appeler Zofia Wittowa-puis Zofia Potocka. Des Grecs vivant à Istanbul, il y en avait beaucoup, la Grèce étant à cette époque entièrement occupée par la puissance ottomane.

Cependant, innombrables furent les grands de ce monde, dans divers pays, qui la désignèrent le plus souvent par ce titre « la plus belle femme d’Europe »  Il faut donc croire, devant cette unanimité, qu’elle était effectivement extraordinairement séduisante. Et le récit de sa vie le prouve assez.

Mais, me direz-vous, pourquoi donc en parle-t-on sur ce site puisqu’elle n’était pas polonaise, mais grecque ? C’est que son destin fut étroitement lié à la Pologne où elle a habité depuis son plus jeune âge et jusqu’à sa mort, ayant épousé deux aristocrates polonais dont un magnat particulièrement important, puisqu’il s’agit d’un membre de la famille Potocki.

Dès le début de cet ouvrage, les évènements historiques, qui jalonneront la vie tumultueuse de Zofia, prendront une importance aussi primordiale que les actes de cette étrange héroïne, que sa naissance ne semblait pas destiner à une vie d’honneurs comme elle en a connu.

Le récit débute vers 1777 à Istanbul. A cette époque la Pologne, qui n’était pas encore tombée dans les partages par ses voisins mais, au contraire, possédait un immense territoire s’étendant aussi sur la Lituanie et une partie de l’Ukraine, entretenait des liens étroits avec la Turquie. Le roi Poniatowski y avait envoyé des diplomates dont un certain Boscamp-Lasopolski. Ce dernier fit connaissance à Istanbul d’une jeune fille d’une quinzaine d’années, fort jolie esclave d’origine grecque, que la mère offrait à la prostitution. Il l’acheta à sa mère et en fit sa maîtresse dévouée, et puis il revint seul en Pologne. La demoiselle, qui s’était attachée à lui, voulut le rejoindre à Varsovie. Boscamp accepta, en se disant vaguement qu’il pourrait l’amener au roi, celui-ci le chargeant parfois de lui trouver des jeunes domestiques pour l’aider à ses ablutions ( !). Cependant, il vint aux oreilles de Boscamp deux écarts de conduite de Sofia durant son long voyage vers Varsovie, qui irritèrent beaucoup le diplomate. D’une part, il apprit que Sofia s’était livré au dévergondage, probablement de type prostitution en cours de route, et d’autre part, elle clamait à qui voulait l’entendre qu’elle était fiancée avec Boscamp et allait en Pologne pour l’épouser !

Boscamp, qui n’avait nullement l’intention de convoler avec cette pauvre fille, fut furieux. Il était d’ailleurs déjà marié de longue date et père de cinq enfants dont l’un était le filleul du roi. Mais il finit par lui pardonner et l’accueillir en Pologne, les talents de persuasion et manipulation de Sofia – qui se révèleront fameux tout au long de sa vie – ayant commencé à produire ses effets.

Une fois en Pologne, la beauté exotique de la jeune fille d’Istanbul fit aussitôt sensation. Boscamp l’exhibait dans les salons, telle une attraction. Sans doute avait-il l’idée de l’utiliser un jour pour quelque mission diplomatique ou d’espionnage.

Et c’est un aristocrate polonais, Jozef Witt, qui, au premier regard, s’en éprit si radicalement qu’il alla jusqu’à l’épouser en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, sans se préoccuper de l’indignation de ses parents, stupéfaits d’une telle mésalliance, la famille Witt tenant un rang élevé dans le pays, le père ayant la fonction de général d’armée. Sofia, devenue Zofia Wittowa, grimpa donc alors, comme par un coup de baguette magique, officiellement dans la hiérarchie sociale. (Boscamp, de son côté, fut agréablement surpris de cette situation, car il n’envisageait pas d’entretenir la belle Grecque indéfiniment et était probablement sur le point de la renvoyer à Istanbul – où son sort aurait été probablement de se prostituer à nouveau.)

Grâce à ce mariage inespéré, elle va alors commencer sa carrière de femme du grand monde et de séductrice, accessoirement mettant au monde plusieurs enfants… Et à collectionner les amants les plus prestigieux, tandis que son auréole de « plus belle femme d’Europe » grandissait. Dans quelle langue communiquait cette ancienne esclave sans éducation ? Avisée, elle a su très rapidement apprendre et manier avec élégance le français qui, durant le dix-huitième siècle, était la langue utilisée dans les milieux aristocratiques de tous les pays d’Europe, de Paris jusqu’à Varsovie et même Saint-Petersbourg. Par la suite, elle saura plus ou moins bien s’exprimer en polonais.

Son époux, le major Jozef Witt, était un homme d’une quarantaine d’années, parait-il fort laid. Sa résidence principale, où il emmena son épouse, se situait dans ces provinces excentrées appartenant alors au royaume de Pologne, qui maintenant se situent en Ukraine, en Podolie, dans une localité appelée Kamieniec. Cependant, si les conditions de vie qu’il offrait là-bas à son épouse, furent sans nul doute quasi princières, Zofia n’entendait pas vivre recluse. Elle poursuivait une vie de réceptions infinies et d’innombrables voyages dans les diverses cours d’Europe, confiant les quelques enfants qu’elle avait mis au monde aux bons soins de leurs domestiques.

Les invités polonais les plus prestigieux séjournèrent ainsi dans leur domaine de Kamieniec et tous se déclarèrent subjugués par la beauté de la maîtresse de maison : Parmi eux l’écrivain Niemcewicz, le prince Adam Czartoryski, le poète Trembecki, familier des jeudis culturels du roi à Varsovie. Trembecki vouera un véritable culte à Zofia, composant des odes lui rendant hommage

Dans ses odes, il la comparait notamment à La Belle Hélène de l’antiquité:

« Sliczna Zofijo ! Twoje nawiedziny

Wioda mi na mysl obdalona Troje,

Z podobnej ona sginela prsuczuny,

Jakie sie slusznie o Kamieniec boje !”

 

Bo gdyby Olimp mial Jowicza jescze,

Ujrzelibysmy rozkoszne przemiany,

Zlote na ciebie lalyby sie deszcze,

Klekaby ciolek przed twymi kolany.

Ces quelques vers vous donnent un aperçu de l’idolâtrie qu’elle suscitait… Durant un long séjour à Varsovie avec son mari, ils furent reçus avec tous les honneurs par le roi Poniatowski qui estimait la famille Witt. Elle fit sensation à la cour de Varsovie où ils restèrent deux mois.

Ce n’est pas fini. Cette idolâtrie dépassa bientôt les frontières. Elle eut l’occasion de rencontrer à Vienne le puissant empereur d’Autriche Jozef II de Habsbourg. Ce dernier fut si impressionné par sa splendeur qu’il voulut que sa sœur, qui n’était autre que notre Marie-Antoinette, la vît à son tour et, en la lui recommandant, il lui ouvrit ainsi la porte vers la Cour de Versailles et les salons de Paris.

A Paris, où elle se présenta comme  « Sophie, comtesse de Witt », nouveaux succès frénétiques ; on ne parlait que d’elle. Si le placide roi Louis XVI devait perdre la tête d’une autre façon, ses deux frères, quant à eux, perdirent la tête pour elle. Aussi bien celui qui allait devenir le roi Louis XVIII que celui qui devint le roi Charles X devinrent ses amants fugitifs. Mme Vigée-Lebrun réalisa son portrait.  De passage à Vienne au retour, on signale une nouvelle conquête de taille : Le chancelier des Habsbourg, le prince Kaunitz.

Au retour de cette tournée triomphale, ces confins orientaux durent lui sembler bien isolés… et son mari quelque peu ennuyeux.

Pour échapper à l’ennui, elle voulut fréquenter d’autres familles brillantes de cette région, et parmi eux, l’un des magnats les plus prestigieux de la Pologne d’alors : Stanislaw-Szczesny Potocki. (en français, il est appelé Félix Potocki – traduction de Szczesny qui a rapport avec « chanceux » comme Felix). Celui-ci était marié, père de famille, leur immense domaine se situait dans les environs, à Tulczyn. Comme d’autres membres de sa famille de magnats, il possédait des centaines de villages où d’innombrables habitants travaillaient pour lui. (Vive l’ancien régime !)

Il était donc immensément riche, le pouvoir des magnats, imbus de leurs privilèges, dépassant d’ailleurs allégrement celle du roi, ce qui se révèlera d’ailleurs une situation catastrophique pour les évènements de la Pologne qui surviendront bientôt avec son dépeçage par les trois états voisins, particulièrement par la Russie de Catherine II.

Mais pour l’heure, les événements historiques n’étaient pas encore dramatiques et la vie continuait agréablement dans cette contrée de l’Ukraine polonaise.

Zofia a eu bientôt l’occasion de rencontrer Catherine de Russie, qui elle aussi la prend en amitié. Il semble que la tsarine lui confie un vague rôle d’espionnage vis-à-vis de l’empire Ottoman, les relations entre la Russie et la Turquie tournant en conflits.

Zofia et Szczesny Potocki sont follement amoureux l’un de l’autre. Chacun d’eux va demander le divorce. Jozef Witt, l’époux de Zofia, y consent assez vite (il en a peut-être un peu marre d’être, partout où il va, étouffé derrière le prestige de son épouse) et il va se remarier peu après. (Sa nouvelle épouse, Karolina Wittowa, va par la suite se faire connaître justement par moultes révélations acides sur la vraie nature et le passé discutable de la belle Grecque, apportant un bémol dans ce concert de louanges qui l’entourait.)

Cependant, l’épouse de Szczesny Potocki, Jozefina, refuse catégoriquement quant à elle,  le divorce. Cette femme, plutôt libre d’esprit, vivait pourtant très peu avec son mari, se plaisant à résider entre les deux capitales, Varsovie et Saint-Petersbourg. Elle n’a sans doute pas envie de changer quoi que ce soit dans son statut, la phénoménale fortune de son époux lui assurant un train de vie royal partout où elle se plait à résider.

Même si ce refus radical du divorce contrarie les deux amoureux, en les empêchant de se marier, cela n’empêche pas Zofia de s’installer désormais aux côtés de Potocki, dans son immense domaine de Tulczyn en nouvelle maîtresse des lieux. Elle y reçoit encore des hôtes prestigieux, dont à nouveau le poète Trembecki, son éternel adorateur qui va écrire un poème devenu célèbre « Zofiowka » en hommage au parc grandiose qu’elle a fait implanter sur le domaine, qui passait pour l’un des plus ravissants de toute l’Europe.

Elle va avoir plusieurs enfants avec Potocki. On sait qu’il a déjà plusieurs autres enfants, déjà grands, de sa première épouse. L’un d’eux, prénommé Jerzy, deviendra allègrement l’amant de Zofia… Et de leurs relations coupables naîtra un fils.

Szczesny, découvrant par hasard le pot aux roses, soupçonnant que ce nouveau fils était en réalité son petit-fils, en sera atterré et ce coup du sort raccourcira sa vie.

Mais avant cet épisode final, Zofia a continué sa vie aventureuse. N’ayant jamais renoncé à ses voyages partout en Europe, les rencontres, bonnes ou mauvaises, qu’elle fait à ces occasions, marqueront son existence.

La mauvaise rencontre, c’est l’agression en voyage par une bande de bandits Italiens, dont l’un qui paraît-il était célèbre : Caracolli. Il la viola et quelques mois plus tard, elle donna naissance à un nouvel enfant, qui fut prénommé Mieczyslaw. On étouffa l’affaire, Szczesny Potocki fit semblant de ne pas mettre en doute sa paternité sur cet enfant et il le reconnut officiellement comme tous les autres fils. Cette fâcheuse histoire aurait donc été passée sous silence si des évènements futurs n’en avaient décidé autrement. En effet, ce fils, Mieczyslaw, devenu grand, se révèlera particulièrement cynique en voulant chasser de la maison sa propre mère dès que Szczesny Potocki mourra. Zofia, avec l’énergie du désespoir, se défendra becs et ongles pour garder les biens, osant, à cette fin, révéler le sordide épisode de son passé, invoquant devant les tribunaux, au cours de procès interminables, le fait que Mieczyslaw, en réalité, n’était pas le fils du comte Potocki mais qu’il était issu d’un viol qu’elle a subi par le brigand italien Caracolli…(dommage pour eux, les tests ADN n’existaient pas, ce qui aurait rendu la situation plus claire).

Mieczyslaw, impassible, plaidera que s’il est peut-être effectivement le fils du bandit rencontré par sa mère, c’est bien le comte Potocki, son père officiel, qui l’a reconnu sans restrictions, et qu’il a droit légitimement à la succession de ce fait. Devant un tel cynisme de la part de son fils, Zofia va s’adresser, en désespoir de cause, à celui qui a pris entre temps tout pouvoir sur le pays après le partage de la Pologne par Catherine de Russie : Le nouveau tsar Alexandre 1er, lui aussi sensible au charme ensorcelant de Zofia ! Il va trancher en sa faveur, éloignant par la force Mieczyslaw vers une détention provisoire en Sibérie.

Pour bien comprendre cette situation politique qui a changé avant même la mort de Szczesny Potocki, il nous faut revenir sur des évènements historiques particulièrement dramatiques, l’histoire prenant d’ailleurs, dans la seconde partie du livre de Jerzy Lojek, une importance dépassant encore celle des aventures de Zofia. Ou plutôt l’histoire de la Pologne et celle de Zofia s’entremêlent car elle y tiendra un certain rôle.

Le roi Poniatowski, on le sait, a balancé durant tout son règne, entre le désir de ménager les fameux magnats attachés frénétiquement à leurs immenses privilèges, et le désir de moderniser la Pologne, en sortant le pays de ses structures et de son inégalité sociale, quasi-féodales. En même temps, ses relations avec la menaçante tsarine Catherine II étaient tout aussi ambigües. Il avait été jadis son amant, avait tenté de garder de bonnes relations diplomatiques avec la Russie, tout en mettant un point d’honneur néanmoins à faire revivre la Culture polonaise, en encourageant artistes et écrivains. (voir « les jeudis culturels du roi » sur ce site).

Inspiré par les idées philosophiques françaises, dont il s’est imprégné lors de séjours de jeunesse à Paris, le roi Poniatowski va alors donner naissance à la Constitution du 3 Mai 1791 (première constitution d’Europe). Cette constitution, instaurant un nouvel ordre social, bien plus moderne, va déclencher une réaction hystérique de la part des magnats, précipitant la Pologne vers les évènements les plus dramatiques de son histoire et son dépeçage final pendant plus d’un siècle.

Et c’est à cette occasion que Szczesny Potocki va se manifester, se plaçant du côté des traitres à la Pologne, ces magnats, comme Branicki et Rzewuski, qui se rangèrent sous la bannière russe en demandant que Catherine de Russie intervienne !

Les aristocrates polonais se divisèrent en deux camps : Ceux qui, derrière le général Kosciuszko, se battirent vaillamment contre la main-mise de la Russie sur leur pays ; et, face à eux, des traitres, s’unissant pour former « les confédérés de Targowica », surtout soucieux de préserver ces privilèges très anciens qui les faisaient vivre comme des seigneurs.

La puissante famille Potocki elle-même va être divisée pour choisir son camp. Si Ignacy Potocki va choisir de combattre résolument contre le dépeçage par la Russie, d’autres de la famille, tel notre fameux Szczesny Potocki, vont s’allier à la Russie contre les Polonais.

Les troupes du vaillant Kosciuszko ayant été finalement vaincues, en 1793, malgré leur héroïque résistance, la Russie imposa sa loi. Et à ceux qui s’étaient battus pour l’indépendance de la Pologne, tels Kosciuszko et Ignacy Potocki, c’est la prison et la déportation qui les attendaient. Pour les autres, tel le perfide Szczesny Potocki, c’est les récompenses et les honneurs. Ainsi, ce dernier va obtenir le titre ronflant de « général des armées russes » !  (même s’il a prétendu parfois qu’il a été dépassé par les évènements, n’imaginant pas les vrais desseins de Catherine II qui allait rayer purement et simplement la Pologne de la carte).

Alors quelle fut la position de notre Zofia dans tout cela ? Une attitude ambigüe, comme il fallait s’y attendre de cette femme avant tout arriviste et opportuniste, bien que nullement mauvaise.

Quand ces évènements éclatèrent, elle venait de faire connaissance avec un personnage russe de la plus haute importance : Le général Potemkine. Ce fringant officier, qui avait été l’un des nombreux amants de la tsarine Catherine II, tomba éperdument amoureux de Zofia. Ils coulèrent à Saint-Petersbourg de brefs moments de roucoulements car Potomkine, (qui passait pour être aussi malade psychiquement que physiquement) décéda peu après. Il apparaît que Zofia, néanmoins aurait parlé à son nouvel amant, résolument en faveur de la Pologne, montrant que tardivement au moins, elle avait commencé à se sentir quelque peu Polonaise. (Potemkine, juste avant de mourir si rapidement, clamait qu’il allait devenir « le roi de Pologne » ! – C’est peu dire qu’il ne faisait pas grand cas du roi Poniatowski, encore sur le trône).

Après la mort de son époux Szczesny Potocki, Zofia resta dans le domaine de Tulczyn, en compagnie des nombreux enfants qu’elle avait eus de ses deux mariages, ainsi que ceux de son défunt mari. Cependant, la dernière partie de son existence fut ternie par deux soucis dominants, dont la source furent d’une part son beau-fils Jerzy, et d’autre part ce fameux fils Mieczyslaw,.

Son beau-fils Jerzy, issu du premier mariage de Potocki, après avoir été son amant, conserva d’affectueuses relations avec elle. Néanmoins, il était un incorrigible joueur, perdant des sommes fabuleuses partout où il passait, d’un bout à l’autre de l’Europe, et il fallait sans cesse le renflouer. Cependant, épuisé par sa vie de patachon, il mourut jeune.

Quant à Mieczyslaw, le fils de Zofia probablement issu de son viol par le bandit Caracolli, , il se révéla, devenu grand, incroyablement cynique, voulant mettre la main sur tout le domaine, obligeant sa mère, pour se défendre, à d’interminables procès épuisants.

Et c’est à Paris, de manière inattendue, qu’on retrouve trace de ce personnage :

A Paris, avenue Friedland, tout près des Champs-Elysées, se dresse un splendide immeuble qui abrite maintenant la Chambre de Commerce et d’Industrie. On peut en visiter l’intérieur grandiose durant les journées annuelles du Patrimoine. Lors de la visite, on apprend que ce ravissant hôtel particulier appartenait auparavant à l’un des descendants des magnats Potocki.

Et que c’est le comte Nicolas Potocki qui possédait dans les années 1880, nous signale-t-on, outre cette résidence, d’autres demeures aussi éblouissantes, à Rome et à Vienne ! Potocki se partageant entre toutes ses demeures, restant peu de temps à chaque endroit, c’est son épouse, une comtesse italienne qui y brillait alors, donnant de grandioses réceptions, y recevant Maupassant, Fauré, Proust lesquels célébraient son charme.

Et qui est donc ce Nicolas Potocki, qui a hérité en 1879 de cet hôtel particulier ?

C’était le fils du fameux Mieczyslaw, qui, selon sa mère, était le fils naturel d’un bandit italien ! Ce Mieczyslaw, dans son domaine de Tulczyn, se montrait pingre et inhumain avec ses paysans et domestiques, mais il amassait une véritable fortune qu’il plaçait à l’étranger en y achetant des biens immobiliers précieux. Grâce à cela, son seul fils, Nicolas, a pu hériter de cette grandiose demeure à Paris, comme dans d’autres capitales.

Formidable destinée pour quelqu’un qui était (comme il ressort de la biographie de Zofia basée sur de très nombreuses correspondances) issu d’un supposé bandit italien et d’une ancienne prostituée d’Istanbul… La réalité dépasse décidément la fiction.

Ce n’est qu’à l’approche de soixante ans, semble-t-il, que cette fameuse séductrice perdit peu à peu de sa beauté, se consacrant en contrepartie davantage à ces nombreux enfants issus des diverses unions. Cependant, seule l’une de ses filles, Olga, apparaît comme proche de sa mère. Elle allait donner naissance à un enfant et Zofia se réjouissait à l’idée de connaître pour la première fois le bonheur d’être grand-mère. Mais elle ne connut pas cette joie. Elle était alors en voyage et mourut d’épuisement sans avoir pu voir le nouveau-né.

On n’entend bien peu parler, de nos jours, de celle qui fut, quasi-officiellement, dénommée « la plus belle femme d’Europe » et c’est pourquoi j’ai trouvé intéressant de vous résumer son histoire mouvementée si liée à celle de la Pologne de cette époque charnière entre le 18ème et le 19ème siècle.

Fabuleux destin que celui de cette pauvre prostituée d’Istanbul, devenue si vénérée, acclamée, honorée, à travers toute l’Europe, aimée par les plus prestigieux personnages de l’histoire de cette époque.

(Je m’étonne cependant qu’elle n’ait pas cherché à rencontrer et séduire à son tour Napoléon Bonaparte lors de ses séjours à Varsovie. Il est en effet l’un des rares fabuleux personnages à n’apparaître à aucun moment parmi la liste de ses adorateurs. Napoléon se promenait pourtant à cette même époque dans la Pologne décomposée – où il eut tout de même le mérite de reconstituer un duché de Varsovie –  et, à défaut de rencontrer cette irrésistible séductrice, c’est sur la comtesse Maria Walewska qu’il jeta son dévolu.)

Il n’y a pas à dire, le monde devait être bien aussi superficiel que maintenant pour que l’apparence physique puisse ouvrir pareillement toutes les portes !

J’aime mieux, finalement, l’histoire de celle qui ne fut sans doute pas la plus belle femme d’Europe mais peut-être la plus courageuse, peut-être la plus intelligente ; vous savez bien, celle qui vainquit tous les obstacles pour faire des études scientifiques fermées à son époque aux femmes, qui travailla comme une forcenée pour faire d’utiles découvertes, qui reçut deux prix Nobel, de physique et de chimie, et qui est la première femme enterrée au Panthéon pour ses mérites . Marie Sklodowska-Curie bien sûr.

Néanmoins, l’histoire de Zofia la belle Grecque, en plus d’être glamour, nous fait revivre les évènements de la Pologne du roi Poniatowski de manière saisissante. Si ce personnage vous a intéressés, voici les références de l’ouvrage de Jerzy LOJEK. « Dzieje Pieknej Bitynki », Institut Wydawniczy  PAX Warszawa 1962

A plus tard, chers lecteurs !

Hermine.

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