En Novembre 2019, une remarquable exposition s’est tenue au Louvre de Lens.
Intitulée « Peindre l’âme d’une nation », elle présentait de nombreux tableaux fameux de peinture polonaise.
C’était une occasion unique de découvrir en France cette peinture trop méconnue maintenant. Beaucoup de ces peintres et de leurs œuvres étaient cependant très reconnus dans toute l’Europe à leur époque.
Si les œuvres les plus grandioses se référaient à des évènements passés, réalisés par les peintres dits « historicistes », les genres de peinture plus modernes n’avaient pas été oubliées.
Parmi ces évènements passés, bien sûr le roi Sobieski, – qui au dix-septième siècle avait vaincu près de Vienne les armées turques de Kara Mustapha,- faisait l’objet de plusieurs tableaux : Notamment le tableau réalisé par Juliusz KOSSAK qui a pour titre « l’étendard du prophète Mahomet». Il représente l’instant où l’étendard pris aux Ottomans musulmans vaincus est apporté au roi Sobieski à cheval au milieu de ses guerriers, notamment ses fameux hussards ailés. Voyez comme Kossak peint de façon admirable les chevaux et scènes de bataille.
Un immense et magnifique tableau, du peintre Jozef BRANDT, représente le roi Sobieski sortant de son palais de Wilanow dans un traîneau en compagnie de la reine, entouré d’une foule de personnages exotiques.
Incoutournable aussi un tableau se référant à un évènement marquant, au dix-huitième siècle, intitulé « Rejtan ». Il illustre le moment précédent le dépeçage de la Pologne. Le député Rejtan tente alors de s’opposer à cette décision. C’est le célèbre peintre MATEJKO qui a immortalisé ce moment dramatique entre tous, rayant la Pologne de la carte pour 124 ans.
Du même Matejko, une illustration de la Constitution établie par le roi Poniatowski.
On réalise, par cette partie de l’exposition, comme les peintres du dix-neuvième siècle – MATEJKO, KOSSAK, BRANDT, RODAKOWSKI entre autres – ont eu à cœur de se pencher sur l’histoire dramatique et les évènements glorieux de leur pays. Ils racontent par leurs œuvres trois siècles parsemés de héros et de légendes. Leurs tableaux, qui avaient fait le tour des pays d’Europe, avaient été couronnés de distinctions. Siemiracki, avec ses célèbres « Torches de Néron » s’était inspiré quant à lui de l’Antiquité.
Autre facette de l’exposition : Les paysages.
Si le paysage de neige du peintre Julian FALAT dégage une atmosphère particulièrement prenante, bien d’autres peintres de paysages ont pu être admirés par cette exposition : Aleksander GIERYMSKI, Jozef CHELMONSKI avec son lascif « Eté indien », Stanislas WITKIEWICZ et le célèbre symboliste Stanislas WYSPIANSKI.
Et bien sûr, on n’imagine pas de Pologne sans son folklore, et les peintres ne pouvaient pas oublier cette facette.
Après ce régal pour les yeux, voici le moment de se diriger vers le centre de Lens pour se régaler les papilles, l’occasion de découvrir un charmant restaurant portant le nom de « Jak u Babci », c’est-à-dire « Comme chez Grand-mère ». Décor folklorique agréablement coloré… et piroszki délicieux…
Vive le LOUVRE de LENS qui a fait revivre cet ancien territoire de mines de charbon où tant de Polonais émigrés ont travaillé dur pendant des décennies !
J’étais persuadée que chacun savait ce qu’était la Polonia. Or, j’ai constaté que ce n’était pas le cas.
Si vous interrogez autour de vous, vous constaterez que pour certains, (qui ne savent pas que la Pologne, en langue polonaise, se dit « Polska »), pensent que le mot Polonia est le nom officiel de la Pologne (après tout, « Pologne » en langues espagnole, italienne, portugaise, roumaine, se dit effectivement « Polonia »). D’autres confèrent à ce mot un sens mystérieux se référant à l’âme polonaise. Pas d’aide à attendre de la part de l’Internet, de spécialistes érudits ou du dictionnaire qui ne paraissent pas s’être penchés sur le sujet…
C’est pourquoi il m’a semblé bon de cerner et préciser un peu le sens de ce mot qui est en fait très concret.
Nous autres descendants de Polonais, nous savons – en général – que la Polonia n’est pas la Pologne mais l’ensemble de tous les descendants d’émigrés polonais, quels qu’ils soient. Ce nom désigne donc la diaspora polonaise.
Une fois cela précisé, aurons-nous cerné tout le sujet ? C’est bien plus compliqué et fluctuant. Car tous les descendants d’émigrés ne savent pas qu’ils font partie de cet immense groupe qui porte le nom de Polonia. L’habitude, en fait, est de désigner par ce mot seulement les groupements officiels, organisés selon les coutumes et la Culture polonaises, qui adhèrent à cette polonité.
Ainsi, pour citer mon cas personnel, ma chère mère, arrivée de Pologne il y a très longtemps pour travailler et s’installer dans un coin de Champagne, lorsqu’elle évoquait – avec le plus grand respect – la Polonia, elle ne parlait alors que de la Polonia du Nord – Pas-de-Calais. Car pour elle c’était seulement là-haut, dans cette région minière, que se perpétuait un genre de seconde Pologne en France, par les innombrables mineurs et leurs familles, leurs enfants apprenant la langue polonaise, chantant, dansant, cuisinant « comme là-bas », se réunissant entre eux, fréquentant les offices religieux dits par des prêtres polonais, enfin formant un groupe compact attaché à la mère-patrie.
Certes, c’est dans le Nord que les émigrés étaient les plus nombreux et les plus organisés en groupes, mais les autres régions sont, elles aussi, parties intégrantes de la Polonia, et les Franco-Polonais qui s’y sont installés ont eux aussi formé des associations. Puisqu’il existe, parait-il, environ quatre-cent-cinquante associations recensées de descendants polonais en France !
D’ailleurs, même ceux qui ne font pas partie d’associations peuvent se considérer comme faisant partie de la Polonia, dès l’instant qu’ils ont des origines polonaises. (Bien entendu à condition qu’ils le souhaitent, car évidemment, il est important de se sentir au moins un tant soit peu, l’âme polonaise et non pas, au contraire, de rejeter cela).
Evidemment, cela n’empêche aucunement de se sentir parfaitement français. (A l’exemple de Charles Aznavour qui, né à Paris, a toujours senti en lui une âme arménienne, militant à toute occasion en faveur du pays de ses ancêtres, (disant en plaisantant qu’il se sentait à deux cents pour cent Français, et tout autant Arménien). Dans le même profil, le charmant jeune chanteur Matt Pokora, né, comme ses parents déjà, en France, et faisant un clin d’œil à ses ancêtres par ce pseudonyme polonais (qui signifie, chacun le sait, « humilité »).
Alors, où est-ce que je veux en venir ? A ceci : Ces innombrables descendants, de deuxième, troisième ou quatrième génération, sont très dispersés, souvent ils s’ignorent, même lorsqu’ils ont au fond d’eux une certaine tendresse pour la lointaine Pologne. Comme sont dispersées les associations elles-mêmes qui oeuvrent – souvent avec beaucoup de dévouement et d’enthousiasme – pour perpétuer la Culture polonaise, mais plutôt de manière isolée.
Parviendront-elles à se connaître un peu, à avoir des contacts entre elles, ce qui donnerait sans doute plus de cohésion et d’importance à cette Culture polonaise qui n’est pas toujours audible en Occident ?
A l’initiative de la Polonia du Nord, un grand projet a vu le jour. Son but : Commémorer avec éclat le centenaire de l’arrivée massive des Polonais. M. Edouard Papalski et ses amis envisagent de fêter cet évènement par diverses idées : Mobiliser les autorités françaises pour que l’année 2023 soit déclarée année de la Pologne, émission d’un timbre en mémoire de ces émigrés, organiser expositions, concerts, conférences, etc. Des organismes parisiens commencent à s’intéresser à ce projet qui devrait intéresser tous les émigrés, de quelque région qu’ils soient.
Je souhaite bonne continuation dans l’enthousiasme à la Polonia du Nord et aux autres associations qui oeuvrent aux quatre coins de la France. Et la petite hermine que je suis, imagine, quant à elle, un apéritif géant sur l’esplanade des Invalides à Paris ou dans les jardins du Trocadéro ! (une fois l’épidémie finie bien entendu). Quelle foule, réunie dans la fraternité, portant un toast à tous ces ancêtres qui, je l’espère, nous voient de là-haut ! Et quel hommage à l’histoire et la Culture de cette « Pologne immortelle » !
(surnommé « Le Sauveur de l’Europe et de la civilisation occidentale »).
Lorsqu’on évoque Sobieski, on pense aussitôt à la brillante victoire sur les Turcs, devant Vienne en 1683. C’est par cette bataille décisive qu’il connut la gloire.
Jan SOBIESKI, né en 1629 près de Lwow, était le fils d’un castellan polonais. Très jeune, il se fit remarquer par sa vaillance sur les champs de bataille. Il épousa la Française Marie-Thérèse d’Arquien (qu’il surnommait « Marisienka »), qui était arrivée à la Cour de Pologne à Varsovie en compagnie de la précédente reine de Pologne, Marie-Louise de Gonzague-Nevers qui avait épousé le roi Wladislaw IV.
Jan Sobieski
Durant le dix-septième siècle, tous les pays d’Europe s’alarmaient de l’avancée des armées turques qui avaient déjà envahi l’Est Européen, occupant les Balkans et la Hongrie et menaçant Vienne, capitale des Habsbourg.
Et le fameux Roi-Soleil, Louis XIV ? Lui, il était dans un état d’esprit inverse. Obsédé par le désir d’anéantir la puissance des Habsbourg, l’ennemi à abattre selon lui était l’Autriche. Tout était bon pour atteindre ce but. D’autre part, il tenait à rester en sympathie avec les autorités turques, dans la lignée de François 1er, ami de « la Sublime Porte ». Malgré les pressions de tous les autres Etats voisins, Louis XIV se refusait à changer sa position, provoquant l’indignation du pape, inquiet de cette menace islamique aux portes de l’Occident.
A Rome, le pape, de plus en plus inquiet de la tournure que prenaient les évènements, avait proposé son soutien financier à différents dirigeants, dont l’empereur Léopold 1er de Habsbourg, le Duc de Lorraine Charles V et le roi de Pologne Jan Sobieski. C’est ce dernier qui se révèlera le sauveur que l’occident menacé espérait. Grâce à lui, la Pologne se révéla un rempart de la Chrétienté.
Jan Sobieski n’était pas un néophyte en matière de victoires militaires. Grand guerrier, il avait déjà fait ses preuves en défendant le territoire de la Pologne contre les incessantes invasions des Tatars et des Moscovites et la pire de toutes, l’invasion des Suédois, si destructrice qu’elle fut surnommée « le déluge », anéantissant et brûlant villes et villages sur leur passage. Sobieski s’était notamment déjà fait remarquer par une victoire brillante contre les Turcs à Chocim, alors qu’il était hetman, c’est-à-dire responsable des armées.
C’est alors, en 1674 que cet extraordinaire guerrier fut élu roi de Pologne-Grand-Duc de Lituanie (rappelons que la monarchie polonaise était élective depuis le seizième siècle – en réalité élue par la noblesse).
Cependant, la victoire de Vienne fut l’apothéose qui permit de le faire connaître à toute l’Europe et même au-delà. Les Turcs eux-mêmes, vaincus, le surnommèrent « le Lion de Pologne ».
Juste après cette bataille, il écrivit à son épouse, la Française Marie-Casimire d’Arquien – à qui il était très attaché : « A Vienne, les habitants me baisent les bottes, les mains, les habits, en m’appelant leur Sauveur ».
C’est qu’il avait fait preuve d’un courage de héros, en compagnie de ses fameux hussards ailés. (voir sur ce site « les hussards ailés » dans la rubrique «Emblêmes de la Pologne »).
L’empereur des Habsbourg, effrayé, avait fui dès le début des combats. Charles de Lorraine ne se montrait guère plus performant. L’Europe ne comptait plus que sur Sobieski et ses hussards. Ces hussards, munis d’ailes de métal accrochées à leur selle, avaient l’apparence d’archanges et on imagine qu’en les voyant déferler, bien des ennemis devaient trembler.
Toujours est-il que l’armée du grand vizir Kara Mustapha – pourtant en bien plus grand nombre – finirent par s’enfuir, mettant fin à cette progression de l’invasion musulmane en Europe.
Quelles furent les suites de cette brillante victoire de Sobieski ? Bien qu’à l’unanimité, l’Occident chrétien le reconnut comme « Sauveur de l’Europe et de la Chrétienté », l’empereur d’Autriche, au lieu de lui montrer une chaleureuse reconnaissance, le traita avec froideur, cachant mal son dépit d’avoir été éclipsé, s’ingéniant à minimiser le rôle-clef de Sobieski.
Quant au Roi-Soleil, s’il lui fit transmettre ses félicitations, il tourna lui aussi vite la page, un peu vexé d’avoir été éclipsé, pendant quelques semaines tout du moins !
Sobieski, en grand seigneur, ne voulut pas tirer profit de cette victoire. Malicieux, il déclara après ce glorieux combat, parodiant les empereurs Romains (en version modeste !) : « Je suis venu, j’ai vu, Dieu a vaincu ! ».
Aussi désintéressé que vaillant, il ne prit pas le temps de parader, bien au contraire, au lieu de rentrer aussitôt sur ses terres, il continua ses luttes cette fois du côté de l’Ukraine où Cosaques et Tartares ne lui laissaient pas de repos.
Il mourut en 1696, à l’âge de 67 ans et les malheurs de la Pologne commencèrent alors. Bien qu’il eût souhaité transmettre le trône de Pologne à son fils Jacques, les magnats (noblesse toute-puissante élective de Pologne) en décidèrent autrement, son épouse, Marisienka, étant fort en disgrâce. C’est ainsi que ces nobles offrirent le trône de Pologne à un roi saxon, Auguste le Fort, et ensuite au fils de celui-ci, entraînant le chaos et la décadence du pays, ces deux rois saxons étant bien plus préoccupés d’enrichir leur ville de Dresde que des intérêts de la Pologne.
Pourtant, le fantastique Stanislas LESZCZYNSKI, quelques années plus tard, avait été élu à son tour au trône de Pologne. C’était compter sans la Russie qui le chassa du trône, le forçant à s’expatrier une première fois en 1710 puis, une seconde fois alors qu’il était reparti reconquérir son trône en 1733. Il eut sa consolation en devenant, après avoir marié sa fille Marie au roi de France Louis XV, un Duc de Lorraine fort apprécié, ami des philosophes et dévoué à la Lorraine (où il a formé, dans son château de Lunéville, l’une des trois plus fameuses Cours d’Europe). Malheureusement, la Pologne fut privée de ce personnage qui aurait sans doute su redonner sa grandeur à la Pologne, considérant ses qualités de diplomate et d’homme de cœur qu’il montra largement en Lorraine.
Il fallut attendre la mort des rois saxons pour qu’enfin la Pologne retrouve en 1764, un roi Polonais, Stanislas-Auguste PONIATOWSKI, controversé jusqu’à nos jours pour ses relations avec Catherine de Russie, souveraine qui entraîna la Pologne dans un véritable chaos se terminant par le partage du pays et sa disparition de la carte. (même si ce pauvre roi avait fait son possible pour créer, le 3 mai 1791, une Constitution – la première d’Europe – et tenter de faire renaître culturellement la Pologne).
On était loin cependant de la grandeur de Sobieski ! Pourtant le monde n’entend plus guère parler de ce roi Sobieski qui avait eu tant d’importance en Europe au dix-septième siècle. (Et je gage que la plupart des jeunes ne savent même pas qui il était et ce qu’il a réalisé. Tout comme ils ignorent que la Pologne fut jusqu’au dix-huitième siècle (avant son dépeçage) le plus grand pays d’Europe par sa superficie, s’étendant entre la Mer Baltique et la Mer Noire !
C’est pourquoi je tenais à rappeler l’importance des succès guerriers du vaillant Sobieski, en espérant qu’il ne soit pas totalement oublié (comme le sont hélas ici beaucoup de personnages exceptionnels qui ont jalonné l’histoire de la Pologne, en tout domaine…). Le tableau de ce Polonais emblématique ne serait pas complet si on ne rajoutait pas qu’il fut, en même temps que guerrier, un homme très instruit, lisant beaucoup, ayant appris plusieurs langues, s’intéressant à l’astronomie, notamment en encourageant le savant Helewiusz dans ses recherches sur les étoiles…
Marie-Casimire d’Arquien s’en retourna en France où elle mourut des années plus tard, à Blois. Une salle du Vatican renferme un imposant tableau représentant la fameuse victoire de Sobieski sur les Turcs.