LE ROI KRAKUS
Il y a très très longtemps, régnait sur la cité de Cracovie le roi Krakus. Il avait acquis la réputation d’être un homme droit et soucieux du bonheur de son peuple…
La colline artificielle (appelée « Kopiec »), existant jusqu’à nos jour, qui avait été édifiée par ses sujets reconnaissants, en témoigne. Krakus est aussi le héros de contes et légendes :
Le 1er jour de l’été, jour des offrandes rituelles aux dieux, le roi Krakus, accompagné de ses sujets, se rendait dans les bois sacrés pour y accomplir une offrande de grains et de mie de pain aux corbeaux sacrés.
Cependant, les offrandes les plus grandioses étaient dédiées à la Vistule, dont les méandres enlaçaient la colline du château, considérant que la prospérité du pays dépendait de cette rivière. La Vistule arrosait les prés et les champs, les faisait reverdir au printemps et dorait les champs de céréales en été.
Mais parfois la rage de la rivière s’abattait sur la population, quand des flots déferlaient et inondaient les terres. Il importait donc de gagner les faveurs de cette puissante « reine de Pologne », comme on surnommait la Vistule.
Donc, le 1er jour d’été, les habitants des environs se rassemblaient, non loin du château de Krakus, afin de faire don à la Vistule de leurs cadeaux précieux. Le plus beau bétail était orné de couronnes de fleurs et poussé dans le cours de la rivière. Les eaux azurées, où se reflétait le ciel, acceptaient le sacrifice et continuaient leur course.
Le rituel de l’offrande accompli, un feu de joie était allumé sur la rive et les gens dansaient autour en chantant jusque tard dans la nuit. Une coupe remplie de boisson au miel, (ancêtre du krupnik), passait de mains en mains et chacun buvait une gorgée de ce liquide doré exquis.
A l’approche de Minuit, le roi Krakus lui-même s’avançait, suivi d’une procession, il descendait à la rivière. Un silence absolu se faisait, rompu seulement par le doux murmure des flots ou par le bruit d’ailes de quelque oiseau de nuit.
Le puissant Krakus, s’agenouillait au bord de l’eau en signe d’humble hommage à la Vistule. Il gardait une main sur son épée, et de l’autre main, il répétait le geste du semeur, envoyant son cadeau dans les eaux déjà sombres, éclairées seulement par un pâle rayon de lune.
Habituellement, avant que le joyau ne disparaisse dans les flots, la flamme vive du feu de joie se reflétait dedans, et on aurait dit qu’une étoile égarée tombait dans la Vistule.
C’était précisément le signe que chacun attendait, car il présageait que les guerres et autres désastres allaient épargner le pays pendant une année.
Une année, cependant, un grand vase de cristal jeté dans la Vistule par Krakus atterrit contre une roche et se brisa, avant que la moindre étincelle du feu de joie ait pu se refléter dedans. Le Roi et toute la foule furent saisis de crainte, car de toute évidence, une terrible menace s’annonçait sur la Cité de Cracovie.
Cela s’accomplit. Peu après la date de ce mauvais présage arrivèrent des temps très difficiles. La légende suivante vous dira ce qui s’est passé.
LE DRAGON DU WAWEL
Après une longue période de paix et de bonheur dans le pays de Krakus, un problème survint dans la zone entourant la colline du château. Les bergers qui gardaient leurs troupeaux paissant dans les prés fertiles des rives de la Vistule avaient des difficultés pour rassembler leurs animaux le soir, à l’heure du retour au bercail. La plupart du temps, plusieurs animaux manquaient.
Un sentiment de panique s’étendit dans la Cité lorsque des êtes humains commencèrent à disparaître de la même mystérieuse façon. De plus en plus souvent, les personnes parties seules chercher de l’eau ne rentraient jamais au logis et on restait sans nouvelles d’elles.
Pendant un long moment, personne ne parvint à trouver une explication à ces évènements étranges, jusqu’à ce qu’un jour, un petit apprenti-cordonnier de Cracovie, vint près de la Vistule ramasser des branches de saules. Car outre la cordonnerie, il confectionnait des paniers et on lui avait indiqué cet endroit pour recueillir de belles tiges. Il faisait son chemin à travers les buissons et cassait les tiges les plus longues et flexibles.
Soudain, les buissons s’éclaircirent et le garçon aperçut une vision effrayante. Sur la rive, on voyait des tas d’ossements blancs et un peu plus loin, dans la roche abrupte de la colline du Wawel, apparaissait une ouverture sombre qui semblait conduire vers une grotte. A proximité de cette entrée, se réchauffant aux rayons du soleil, il y avait un immense dragon d’aspect terrifiant. Son corps était couvert d’écailles vertes et jaunes et d’immenses griffes recourbées prolongeaient ses pattes.
Le petit apprenti fut saisi d’une telle peur qu’il en fut un moment pétrifié, regardant fixement l’animal. Alors, soudain, le dragon cracha du feu et de la fumée. Le garçon retrouva quelque force et, abandonnant ses branchages, il se mit à courir vers sa maison. La nouvelle de la découverte du cordonnier se répandit dans toute la région et parvint au roi Krakus qui convoqua un Conseil avec ses plus vaillants chevaliers afin de déterminer ensemble comment délivrer la Cité de ce dragon.
On tentait d’expliquer comment le dragon était arrivé à Cracovie à l’aide de multiples suppositions. Certains affirmaient que le courant de la rivière l’avait amené.
D’autres soutenaient qu’il était sorti du cœur de la terre, hypothèse qui semblait illustrée par la mystérieuse grotte dans la colline.
Il y avait un point, en tout cas, sur lequel tous étaient d’accord : le monstre devait être tué aussi vite que possible.
Aussi, le jour suivant à l’aube, selon les ordres de Krakus, trois chevaliers, célèbres par leur courage, se rendirent à la demeure du dragon. Le Roi et sa cour attendirent leur retour toute la nuit ; en vain.
Le lendemain, Krakus envoya ses messagers dans toute la région, afin d’avertir la population du danger et d’annoncer que la personne courageuse qui parviendrait à débarrasser la Cité de ce monstre – qu’il soit chevalier ou manant – épouserait la ravissante fille du roi et recevrait la moitié du royaume.
L’annonce circulant jusque dans les pays voisins, bientôt de nombreux princes et chevaliers se précipitèrent à Cracovie, attirés non seulement par la récompense, mais aussi par pour acquérir la gloire et l’honneur. Hélas, la plupart d’entre eux perdirent la vie dans le combat inégal avec le monstre.
En conséquence, Krakus décida de combattre le dragon lui-même. Il mit une armure faite de l’acier le plus dur et choisit une longue épée pointue. Cependant, ses préparatifs furent interrompus par un domestique qui annonça au Roi qu’un jeune garçon insistait pour lui parler. Krakus le fit entrer et fut stupéfait de voir un humble gringalet à cheveux blonds, à la mine sereine. Le visiteur fit une révérence maladroite et déclara que, bien qu’il ne fût qu’un petit cordonnier, il se proposait pour aller tuer le dragon. Il demanda au Roi de lui donner juste un agneau qu’il tua et dépeça ; il le remplit de soufre et recousit la peau. Au crépuscule, il s’approcha de la grotte du dragon devant laquelle il déposa l’agneau.
Au matin, aux premiers rayons du soleil, un grand bruit se fit entendre dans la ville et les environs.
C’était le cri du dragon qui avait avalé avec avidité l’appât. Le souffre commençait à brûler ses entrailles et afin d’apaiser sa terrible soif, il se précipita vers la Vistule et but tant d’eau qu’il éclata en mille morceaux.
Les habitants étaient submergés de joie. Krakus tint sa promesse et bientôt le magnifique mariage de la princesse avec le petit cordonnier eut lieu.
Pendant la célébration, le jeune couple fit une offrande à la Vistule, en jetant de nombreux joyaux dans ses eaux. La rivière accepta les cadeaux et plus jamais aucun monstre ne vint troubler la paix et le bonheur à Cracovie.
La grotte dans laquelle le monstre avait habité est maintenant connue comme « la grotte du dragon » et peut être vue dans la partie sud-ouest de la colline du Wawel.
LA LEGENDE DE LA PRINCESSE WANDA
Pendant de nombreuses années, la Cité de Cracovie s’épanouit et devint resplendissante mais, comme il arrive souvent dans les histoires, une nouvelle période sombre arriva.
Cela survint durant le règne de la princesse Wanda, la jeune et ravissante petite-fille de Krakus. Tenant le sceptre fortement dans sa main délicate, elle régnait avec justice et sagesse sur le pays. Aussi, ses sujets la respectaient et l’aimaient tendrement, tandis que les poètes et chanteurs de passage vantaient sa beauté.
Cependant, il y avait un souci qui empêchait les gentilshommes et les conseillers de dormir tranquillement : la princesse était déterminée à gouverner le pays seule et ne voulait pas entendre parler de mariage. De nombreux princes et chevaliers étrangers essayèrent de gagner son cœur et lui apportèrent des cadeaux précieux. Wanda, toutefois, les renvoyait, répliquant qu’elle était mariée à la ville de Cracovie et à son pays.
Les prétendants quittaient la ville avec regret, car tout homme qui avait vu le visage de Wanda rien qu’une fois ne pouvait jamais l’oublier. Parmi ces prétendants éconduits, il y avait un prince allemand, Rydygier. Sa fierté lui interdisait de se résoudre au refus de la princesse, alors il décida de forcer Wanda à l’épouser. Il envoya ses messagers au château de Wawel. Au nom de leur prince, ils lui présentèrent une bague de grande valeur et une longue épée. Ainsi Wanda se trouvait forcée de choisir entre ses sujets ou son propre destin.
Elle n’hésita pas un instant. Une guerre pour la défense de son pays lui sembla une bien meilleure solution que de permettre à un étranger d’accéder au trône. Elle revêtit l’armure de son fameux grand-père Krakus et conduisit ses chevaliers fidèles au combat contre l’armée de Rydygier.
Les combats furent longs et sanglants, car le prince rancunier obtint le soutien d’autres étrangers. Mais les dieux étaient favorables à ceux qui combattaient par amour de leur pays, et la victoire finale revint à Wanda et ses chevaliers. Wanda revint glorieuse au château du Wawel, sous les ovations de ses sujets.
Cependant, la tradition exigeait le sacrifice d’une vie humaine aux dieux afin d’éviter au pays d’autres invasions ou d’autres calamités. Personne ne se doutait que la princesse avait décidé que son devoir était de donner sa propre vie.
Le jour suivant à l’aube, alors que la Cité dormait encore, Wanda, après une nuit passée à prier, s’approcha des murs entourant le château. Avec un regard triste, elle dit adieu à sa cité bien-aimée et se jeta dans les eaux de la Vistule. Les pans de sa robe ressemblaient aux ailes d’un oiseau blanc.
Un moment après, les eaux d’azur se refermèrent sur la princesse.
La nation orpheline, endeuillée, lui édifia un tumulus qui survécut jusqu’à maintenant et perpétua son souvenir par des contes et des chansons populaires.
LA PIERRE SACREE, «le CHAKRAH»
On dit que la colline du château à Cracovie est l’un des sept lieux sacrés du monde qui sont enveloppés d’un pouvoir en connexion avec la pierre mystérieuse connue sous le nom de chakrah.
Cette pierre est intégrée dans le rocher de la colline du Wawel, probablement depuis la création du monde et elle est située quelque part entre la cathédrale et le château, dans la chapelle souterraine portant le nom de Saint Gereon.
Selon une légende hindoue, l’un des dieux a traversé la terre vide, avant que les habitants existent. Le dieu ramassa sept pierres, les remplit de son pouvoir divin et puis s’éleva vers le ciel d’où il jeta les pierres vers la terre. Aux emplacements où elles tombèrent, de magnifiques cités apparurent qui furent appelées à jouer un rôle important dans l’histoire du monde, protégées par l’énergie divine du saint Chakrah jusqu’à la fin des temps.
Le chakrah du Wawel apparaît dans nombre de légendes. Selon l’une d’elles, c’est le pouvoir de cette pierre qui a permis à Cracovie de devenir une ville puissante, faisant la fierté de la Pologne et devenant sa capitale.
Cependant, le prince Casimir le Restaurateur, petit-fils de Boleslaw le Vaillant (premier roi couronné de Pologne) a joué un grand rôle dans le développement de la cité.
Quand il était tout jeune, peu après l’an 1000, son père – qui résidait alors dans l’ouest de la Pologne où étaient situés les deux premières capitales polonaises, Gniezno et Poznan – l’amena à Cracovie qui n’était alors dans le pays une ville parmi d’autres. La forteresse du Wawel, situé pittoresquement sur une colline abrupte au-dessus de la Vistule charma le jeune prince. Au lieu d’obéir à son père et écouter les débats concernant les affaires de l’état, il préféra grimper sur la roche blanche de la colline. Une fois, ayant échappé à la vigilance de son père, Casimir remarqua une cavité dans la roche qui ressemblait à une entrée de grotte souterraine. Il s’y engouffra et continua à travers un étroit et sombre passage. Il atteignit une salle souterraine, illuminée étrangement par une lueur pâle qui semblait irradier d’une grande pierre placée au milieu. Etonné, Casimir s’en approcha, comme mû par une force inexplicable. Il la toucha délicatement et entendit alors une voix mystérieuse qui lui révéla que sa venue était inscrite dans le livre du Destin. La voix lui ordonna de choisir Cracovie comme capitale quand le moment serait venu.
Une fois adulte, Casimir, se souvint souvent de la salle illuminée avec la pierre parlante. Il y pensait pendant les combats qu’il dut mener après la mort de son père, le pays se trouvant en proie à des désordres internes sanglants. Dans ses moments d’emprisonnement et d’exil, la prophétie de la grotte lui redonnait courage.
Lorsque les désordres furent apaisés et qu’il put revenir en Pologne, Casimir choisit le château de Wawel comme résidence. Et pour de nombreux siècles, Cracovie devint la capitale ou siégèrent les descendants de Casimir.
L’ASSEMBLEE ANNUELLE DES DEFUNTS ROIS
Une fois par an, il y a une nuit où les fantômes des rois de Pologne et des princes tiennent des réunions dans une salle secrète souterraine. Ils s’y rassemblent quand la cloche Zygmunt annonce à la Cité de Cracovie que la période de l’Avent est terminée et que les festivités de Noël peuvent commencer.
Dans cette nuit de décembre, tandis que les fidèles se rendent à la messe de Minuit, luttant contre les tempêtes de neige ou le blizzard, les défunts rois de Pologne reviennent à la vie pour une heure et tiennent un Conseil concernant les affaires importantes pour la nation polonaise ;
Dès que la cloche retentit et que l’horloge égrène les douze coups de minuit, deux chevaliers en armure ouvrent les portes massives qui conduisent aux souterrains. Les vieux murs épais renvoient l’écho de ce bruit qui remplit l’espace comme un bruit de tonnerre.
Puis un silence impressionnant, plein de suspense, enveloppe la salle juste un instant, bientôt suivi d’un son de musique jouée par d’invisibles musiciens. L’air qu’ils jouent est grave et distingué, il accompagne l’entrée d’une splendide procession. Ce défilé de monarques revêtus de riches habits se déplace lentement en silence. Ils sont conduits par le premier roi couronné de Pologne – Boleslaw le Vaillant. Celui-ci s’assied en premier à l’immense table au milieu du hall, et d’un signe de son sceptre, invite les autres à s’asseoir. Ils commencent à se remémorer le passé de la Pologne, les temps de bonheur et de gloire.
Soudain, un bruit de galop de chevaux se fait entendre. Ils sont montés par les chevaliers enchantés des monts Tatras, qui arrivent au Wawel après avoir été réveillés de leur long sommeil par le son de la cloche que l’écho de la montagne leur a apporté.
Bientôt on frappe à la porte et Boleslaw de Vaillant lui-même laissa sa place à table aux nouveaux arrivants. Les chevaliers saluent bien bas le premier roi et l’un d’eux demande : « Est-ce le bon moment ? » Et le roi donne la réponse qui est la même depuis presque mille ans : « Non, mes guerriers, pas encore ».
Les chevaliers s’en vont et retournent dormir dans les Monts Tatras tandis que le Roi Boleslaw reprend son siège à table. Cependant, l’horloge sonne une heure. L’Assemblée devient silencieuse et immobile et un instant plus tard ces distingués monarques deviennent des ombres et s’enfoncent dans l’obscurité.
Dans un an ils se réuniront en ce même lieu.
Il est très rare qu’un mortel puisse accéder cette nuit-là aux caves voutées du Wawel et voir les fantômes des rois de Pologne. Seul un Polonais au cœur pur et à la droiture exceptionnelle pourrait être admis à les voir.
Toutefois, il y a un ou deux siècles, cela arriva à l’un des portiers du Wawel. Une veille de Noël, à Minuit, il s’était attardé dans la crypte de la cathédrale et il vit les rois quitter leurs sarcophages. Il les suivit et put être témoin de toute la cérémonie.
Beaucoup d’entre nous, mortels, n’auront certainement pas cette chance, aussi nous devons nous contenter de ce récit. Pour ceux d’entre vous, cependant, habités par le courage, il y a une consolation : Une veille de Noël, vous serez prêts à veiller jusqu’à minuit au pied de la colline du Wawel, vous entendrez certainement le bruit des portes des salles souterraines, la musique et le galop des chevaux des chevaliers venus des monts Tatras.
Mais que signifie donc cette question que posent les chevaliers au Roi Boleslaw ?
Quel temps ont-ils à l’esprit ? Aucun être vivant ne le sait. Une chose, cependant, est certaine : Cracovie jouera un rôle important lorsque ce moment arrivera…
Magies et Mystères à Cracovie
PAN TWARDOWSKI
Depuis 1364, la Cité Royale de Cracovie possède une Académie fondée par Casimir le Grand. Cette Académie devint au temps de la reine Jadwiga et de son époux Jagiello, la très réputée Université « Jagiellon » .
Dès le 15ème siècle, cette Université a été célèbre dans le monde pour sa faculté d’astronomie – (où s’instruisit entre autres l’illustre Kopernik) – mais aussi pour son département d’astrologie qui attirait des étudiants de tous pays. Certains venaient dans le but d’ en savoir plus sur les sciences occultes. En dehors de l’Université, ils pouvaient fréquenter les ateliers des magiciens et alchimistes du centre de la Cité.
Le plus réputé de ces alchimistes se trouvait être un homme de noble descendance qui s’appelait Pan Twardowski. Il vivait à la fin du moyen-âge ou au début de la Renaissance, au début du 16ème siècle. Depuis son enfance, il aimait passionnément lire. Bourré de connaissances, il occupait ses jours et ses nuits à expérimenter des formules de magie noire.
Ses compétences en matière de magie étaient largement aussi reconnues que celle du célèbre docteur Faustus, alchimiste allemand, qui d’ailleurs lui rendait parfois visite. Tous deux discutaient de longs moments de leurs connaissances ésotériques, de leurs trucs et astuces en matière de magie, de leurs mystérieuses potions. Si chacun d’eux gardait cependant jalousement quelques secrets très personnels, ils savaient qu’ils avaient en commun certaines pratiques, notamment pour rencontrer le diable. L’un comme l’autre appelaient le diable la nuit tombée, au moment de la pleine lune.
Cependant, Pan Twardowski avait atteint un tel niveau de connaissance en matière d’astrologie que tout Cracovie connaissait son nom. On le respectait d’autant plus qu’en dehors de ces domaines occultes, il avait également d’excellentes connaissances en médecine. Malgré sa personnalité mystérieuse, il n’était nullement mauvais homme. Les Cracoviens, même les plus humbles, ne le sollicitaient pas en vain en cas de maladie, il acceptait tout naturellement de les soigner.
Sa réputation parvint aux oreilles du roi lui-même, Sigismond-Augustus. Son épouse Barbara, que le roi aimait passionnément, venait de mourir. Il était inconsolable. Il fit appeler Twardowski au Wawel pour avoir recours à ses dons. L’alchimiste, par d’habiles tours de magie, parvenant à lui faire apparaître le visage de la défunte, il devint très estimé du roi.
Cependant, Twardowski continuait ses interminables expériences dans son logis. Une nuit qu’il avait longuement veillé à la lueur pale de chandelles, il essaya une incantation trouvée dans l’un de ses énormes livres. A peine avait-il prononcé la formule qu’une créature étrange apparut dans la pièce. Ses petites cornes rouges, ses sabots, ses griffes ne laissaient pas de doute : C’était bien Méphistophélès qui se tenait devant Twardowski. A l’issue d’une longue discussion, ils se mirent tous deux d’accord et signèrent un pacte :
Pan Twardowski acceptait de vendre son âme au diable ; en échange, ce dernier consentait à exaucer tous ses souhaits. Pour finir, selon leur accord, le diable viendrait chercher Twardowski pour prendre possession de son âme lorsqu’il le trouverait à Rome.
Twardowski riait sous cape, pensant qu’il avait joué un bon tour au diable, car il se garderait bien d’aller jamais à Rome.
Les mois et les années passèrent. Pan Twardowski était devenu riche, comblé. Il s’amusait même à considérer le diable comme un vrai serviteur, lui demandant d’exaucer mille et un caprices, ce que le diable, selon leur accord, ne pouvait refuser.
On dit que le magicien se promenait sur la place du Rynek juché sur le dos d’un coq géant. Une autre fois, il ordonna à Méphisto d’ériger une immense pierre en forme de massue (que l’on peut toujours voir dans le massif des Sudètes à Pieskowa Skala, pierre connue sous le nom de « massue d’Hercule »). D’autres fois, il passait à cheval sur le marché, renversait vases et vaisselles et ordonnait au diable de les remettre en état pour les restituer intacts aux propriétaires.
Tant et si bien que le diable se sentait devenir fou avec tous les caprices de Twardowski et qu’il décida de prendre les choses en mains, comprenant que le magicien se garderait bien de se rendre jamais à Rome.
Le diable fit donc construire par ses ouvriers à la sortie de la ville une auberge dans le plus grand secret. Et un soir, alors que la nuit était tombée, il fit appeler Twardowski sous le prétexte qu’un enfant malade, dans les faubourgs de la ville, avait besoin de ses soins d’urgence. Twardowski qui malgré tout, était resté un médecin dévoué à tous ceux qui avaient besoin de son aide, s’empressa de monter dans la calèche qui l’attendait. Le cocher l’arrêta devant une auberge qu’il s’étonna un peu de ne jamais avoir vue. Quand il fut entré sans méfiance à l’intérieur, le diable apparut, triomphant.
« – Ton âme est à moi », claironna-t-il.
Et il montra à Twardowski médusé l’enseigne de l’auberge. Celle-ci portait le nom de « Roma ».
Aussitôt le diable s’empara du magicien et ils commencèrent à voler, Twardowski serré entre ses griffes.
Dérouté, Twardowski se souvint de son enfance, l’image de sa tendre mère lui revint en mémoire et les chansons pieuses qu’elle lui fredonnait lui revinrent aux oreilles. Il se mit à entonner un cantique à la Vierge Marie, de plus en plus fort, comme s’il voulait se donner du courage. Comme par miracle, le diable perdit ses forces, ses griffes se desserrèrent et il disparut. Twardowski resta suspendu sur un quart de lune… où il est encore.
Il attend patiemment le jour du jugement dernier. Il a trouvé le moyen de communiquer avec les autres planètes par un réseau d’araignées qui lui sont toutes dévouées. Les nuits bien dégagées, il a le bonheur de pouvoir contempler de là-haut, la terre et particulièrement sa cité bien-aimée de Cracovie. Il peut même voir comme les petits enfants dont les mamans leur raconte son histoire, se mettent à regarder vers la lune à travers les fenêtres, pour tenter de distinguer la silhouette du fameux magicien…
Traditions et Fêtes de Pologne
LE HEJNAL DE NOTRE-DAME
L’une des particularités de Cracovie est le son de trompette qui retentit chaque jour à chaque heure, enveloppant tout le centre de Cracovie de magie. Cet air, qui s’interrompt brusquement au milieu d’une note, rappelle quotidiennement les évènements qui se déroulèrent au Moyen-Age dans la Cité.
En ce temps-là, les invasions de la ville étaient fréquentes, particulièrement les invasions de hordes Tatares. Aussi, il y avait toujours un garde posté tout en haut de la tour de l’Eglise Notre-Dame sur la place centrale du Rynek, qui était chargé de surveiller attentivement les environs et de donner l’alerte avec sa trompette en cas de danger.
Un jour, à l’aube, alors que les brumes nocturnes enveloppant la cité se dissipaient, le gardien en haut de la tour aperçut une armée de Tatars prêts à déferler sur le centre de Cracovie. Il se mit à sonner l’alerte de toutes ses forces. L’une des flèches Tatares l’atteignit, arrêtant net son air de trompette.
On dit que le Khan considéra cet événement comme un mauvais présage et rebroussa chemin avec sa troupe de Tatars, épargnant la ville.
Quoi qu’il en soit, depuis ces lointains évènements, on entend l’air de trompette joué par un gardien qui apparaît en haut de la tour Notre-Dame, tourné successivement vers les quatre points cardinaux. N’est-ce pas incroyable qu’une tradition si ancienne perdure jusqu’à maintenant, transcendant chaque heure la cité royale en mémoire de son passé mouvementé ?
LE LAJKONIK (OU LE CENTAURE DE CRACOVIE)
Cette tradition se rapporte au même événement du passé cracovien que le hejnal : L’invasion tatare au Moyen-Age, en 1287.
Selon la légende, les habitants du quartier Zwierzyniec, et particulièrement la guilde des bateliers, étaient particulièrement efficaces pour défendre Cracovie contre les envahisseurs.
Un soir, ils prirent par surprise le camp ennemi et tuèrent leur Khan. Les Tatars paniqués levèrent le siège.
Afin de célébrer cette victoire inattendue, les bateliers se vêtirent des habits des Tatars et apparurent pour défiler dans les rues de la Cité.
Ce défilé a survécu jusqu’à nos jours, sous la forme du « Lajkonik », créature mi-homme, mi-cheval :
Chaque année, au début du mois de Juin, on peut voir le centaure paré de chatoyantes étoffes orientales, juché sur un cheval de bois, danser dans les rues, conduisant un défilé de Cracoviens déguisés en Tatars. La procession, par fidélité à l’événement passé, commence au quartier de Zwierzyniec et s’achemine vers la place du Rynek. Ils sont accompagnés d’un orchestre bruyant pour rappeler les hordes de l’invasion. La troupe s’arrête en route dans les boutiques et les bars, où le Lajkonik recueille des pièces de monnaie. Les donateurs reçoivent en échange un (léger) coup de baton sur le bras. C’est censé leur porter chance. Ceux qui sont célibataires se retrouveront mariés dans l’année.
Lorsqu’ils sont arrivés sur la place du Rynek, les membres du Conseil Municipal rend hommage au lajkonik en lui offrant une coupe de vin. Le lajkonik rend la politesse en exécutant une danse traditionnelle. Il est généralement entouré par une foule en liesse.
LES COURONNES DE FLEURS DE LA SAINT-JEAN (WIANKI)
Dans l’ancienne Pologne, le jour du Solstice d’été, au 21 juin, les célébrations appelées « Sobotka » étaient très populaires. Elles sont connues aussi sous le nom de fêtes des couronnes de fleurs ou paille (Wianki). Elles tirent leur origine de rites païens honorant le dieu soleil.
Ce jour-là, avant le crépuscule, un grand nombre de bûchers sont enflammés sur les rives des cours d’eau. Les habitants se rassemblent autour du feu pour chanter et danser. Les filles jettent parfois dans les flammes des herbes aromatiques, la fumée odorante ayant le pouvoir d’éloigner les démons.
Juste avant minuit, on rajoute du bois et l’on jette dans la rivière des couronnes de fleurs et d’herbes où une bougie a été fixée au milieu. Si le courant de la rivière entraîne rapidement la couronne, la jeune fille est assurée qu’elle sera bientôt mariée. Si la couronne reste bloquée, c’est un signe que la fille devra attendre un prétendant au moins encore un an.
Cette tradition reste bien vivante à Cracovie, à proximité du château de Wawel. A présent, cependant, c’est devenu une fête colorée, dont les principales attractions sont les groupes de danses folkloriques et les jeux remémorant les évènements et légendes du passé de la Cité. Les célébrations se terminent par un spectaculaire feu d’artifice.
Ainsi, en cette nuit, de nombreuses couronnes flottent sur la Vistule.
LES CRECHES DE NOEL DE CRACOVIE
Un exemple de l’Art populaire et folklorique de Cracovie est perpétué par la tradition des crèches de Noël.
Le fameux concours annuel de crèches de Noël a commencé en 1937, le 4 décembre, devant le monument dédié au poète Adam Mickiewicz sur la place du Rynek. Il y a généralement plusieurs douzaines de concurrents. Souvent des familles entières, où la tradition de la crèche s’est transmise de génération en génération, présentent leur œuvre.
Ces crèches de Cracovie ont toujours suscité l’admiration par leurs couleurs, la diversité de leurs formes et les éléments originaux dont elles sont faites. Leur caractéristique commune est la présence des motifs typiques de l’architecture de Cracovie.
On peut y reconnaître des répliques miniaturisées ou stylisées des tours de Notre-Dame, de la Porte Saint-Florian, du Barbacane ou de la Halle aux Draps.
Les tailles varient beaucoup. Certaines sont si minuscules qu’elles tiennent dans la paume de la main, d’autres atteignent plus de 2 mètres de haut.
L’effet féérique est complété par les couleurs, les lumières et les personnages animés de la Sainte Famille, des anges, des bergers et la pléthore de personnages connectés à l’histoire de Cracovie et ses traditions. On peut y trouver représentés des rois de Pologne, des héros nationaux, aussi bien que le trompettiste de la Tour Notre-Dame, le lajkonik de Zwierzyniec ou… pan Twardowski.
Après la présentation des crèches sur la place du marché, les fabricants vont au Musée historique où leurs ouvrages sont exposés jusqu’à la Chandeleur, le 2 février, date où se terminent les célébrations de Noël en Pologne.